vendredi 5 juin 2009

"me faire des yeux" #1


J’avais une admiration sans bornes pour les natures mortes de Morandi *. Un jour en comparant une de ses peintures avec Le bocal d’olives de Chardin, j’eu l’impression que la peinture de Morandi était la trace laissée par l’emplacement du tableau de Chardin décroché du mur, deux siècles plus tard. Morandi résistait à la tentation de ne rien représenter sur la toile. Les traces de pinceau chassaient la peinture déposée. Il frictionnait la toile comme une peau morte pour tenter de lui rendre un peu de vie. La matière du vide et celle du plein étaient identiques. Je n’étais plus face à une représentation de choses, de textures, de matières, d’odeurs. Je voyais un fond de mémoire en attente d’incarnation.

* Nature morte (huile sur toile 35 x 40 cm)
Tableau peint en 1958 par Giorgio Morandi (1890 – 1964)

"me faire des yeux" #2

« Pour regarder les tableaux des autres, il semble que j’aie besoin de me faire des yeux ; pour voir ceux de Chardin, je n’ai qu’à garder ceux que la nature m’a donnés et m’en bien servir.
O Chardin *! Ce n’est pas du blanc, du rouge, du noir que tu broies sur ta palette : c’est la substance même des objets, c’est l’air et la lumière que tu prends à la pointe de ton pinceau et que tu attaches sur la toile. » Denis Diderot

* Le bocal d’olives (huile sur toile 71 x 98 cm)
Tableau peint en 1760 par Jean-Baptiste Siméon Chardin (1699 – 1779)