Une semaine plus tard au sortir d’une pharmacie à Villejuif, un amas d’objets attire mon attention. Je sors de mon sac une petit appareil photo. La première image montre ce que mon objectif a capté : des sacs en plastique éventrés. La seconde reconstitue ma réalité visible : floue, mouvante, affolante.
Plusieurs albums éparpillés sont protégés par des couvertures épaisses de cuir rouge ou bleu. Les premières photographies ont un siècle. A l’intérieur. La même personne y est souvent représentée. D’abord petite enfant, puis en communiante. A l’âge adulte, elle pose dans les décors naturels et somptueux de différentes villes thermales : Gap, Monte-Carlo, Aix-les-Bains, Evian.
Moi qui voyais si mal ce jour-là, j’eus l’impression de ramasser une vie, d’éviter que ces images encore immaculées ne se retrouvent foulées, détrempées par l’urine et la pluie, dissoutes dans le pire des oublis : la destruction. Je pouvais au moins me consoler de cette coïncidence : les images ne me laisseraient pas me détourner d’elles. Ces feuilles mortes trouvèrent leur place dans le grand sac de plastique transparent contenant les images de mon cerveau scanné le matin même. C’était à l’Hôpital des Peupliers.
Ce qui m’arrive n’est pas tragique aux yeux des autres. Je n’ai ni faim, ni froid. Je ne suis pas à la rue. Ce mal s’attaque à ma pulsion première : le désir de voir. De quoi pourrais-je me plaindre ? D’y voir double alors que d’autres voient simple. J’ai juste honte parfois de tituber moi qui n’ai jamais bu. De porter des lunettes noires, moi qui n’ai jamais voulu détourner mon regard de sa responsabilité coupable.
Ma vision est à l’image du monde : deux images identiques, l’une virtuelle et l’autre réelle. Ce qui les distingue c’est leur matière, leur densité. Je traverse l’une et me cogne à l’autre. C’est une atteinte à mon envie de vivre qui s’étiole un peu plus.
La mer se retire sous mes pieds en creusant le sable et me déséquilibre. Les deux images qui partent de moi, bien superposées pour n’en former qu’une, divergent maintenant à l’infini. A moins que les images qui me viennent de l’infini convergent en moi en un point que je ne vois pas. Le point aveugle de ce qui m’attend.
Ce qui m’arrive n’est pas tragique aux yeux des autres. Je n’ai ni faim, ni froid. Je ne suis pas à la rue. Ce mal s’attaque à ma pulsion première : le désir de voir. De quoi pourrais-je me plaindre ? D’y voir double alors que d’autres voient simple. J’ai juste honte parfois de tituber moi qui n’ai jamais bu. De porter des lunettes noires, moi qui n’ai jamais voulu détourner mon regard de sa responsabilité coupable.
Ma vision est à l’image du monde : deux images identiques, l’une virtuelle et l’autre réelle. Ce qui les distingue c’est leur matière, leur densité. Je traverse l’une et me cogne à l’autre. C’est une atteinte à mon envie de vivre qui s’étiole un peu plus.
La mer se retire sous mes pieds en creusant le sable et me déséquilibre. Les deux images qui partent de moi, bien superposées pour n’en former qu’une, divergent maintenant à l’infini. A moins que les images qui me viennent de l’infini convergent en moi en un point que je ne vois pas. Le point aveugle de ce qui m’attend.
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RépondreSupprimerj'aime ce que vous écrivez; les mots ont une résonnance en moi; les images aussi, c'est en cherchant une peinture de jawlensky que je suis tombée sur votre blog! Le mien n'est pas public mais je vous en donne l'adresse si vous vouliez y faire un tour; c'est plus un journal intime que j'ai ouvert suite à une série de choses très dures que je viens de vivre
RépondreSupprimerkolia60.blogspot.com
J'ai beaucoup aimé vous lire
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