mercredi 29 avril 2009

Le Bain Turc




La galette d’asticots. C’est en ces termes que Paul Claudel parlait du « Bain Turc » de Monsieur Ingres. On retrouve sa baigneuse au premier plan de la composition. Plus de quarante ans après, son corps n’a pas changé. Le tissu qui retient ses cheveux mouillés est resté le même. Son bras gauche n’est plus empêché par un drap. La baigneuse tient un instrument et adresse sa mélodie aux deux femmes qui rencontrent son regard.
Ingres a quatre-vingt-deux ans lorsqu’il a peint « Le Bain Turc ». Sa main ne tremble pas. Son souvenir non plus. Il reste fidèle à ce qu’il avait écrit : « Ce qu’on appelle “la touche” est un abus de l’exécution. Elle n’est que la qualité des faux talents, des faux artistes, qui s’éloignent de l’imitation de la nature pour montrer simplement leur adresse. La touche, si habile qu’elle soit, ne doit pas être apparente : sinon, elle empêche l’illusion et immobilise tout. Au lieu de l’objet présenté, elle fait voir le procédé ; au lieu de la pensée, elle dénonce la main. » Nous sommes loin des traces mesurables et quantifiables de Pollock ou Kandinsky. Loin des expositions de peintres abstraits et du Salon des « Réalités Nouvelles* » au Grand Palais. Nous sommes dans le monde de l’éternel retour de l’illusion. Son épouse conserve toute sa jeunesse, treize ans après sa disparition.

« Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir. »
Ces quelques vers tirés du poème de Baudelaire « Une charogne »,
rendent au "Bain Turc" un hommage plus subtil que la raillerie de Claudel.

*1946 - Premier Salon des Réalités Nouvelles. Art Abstrait, Art Concret, Constructivisme, Non Figuratif, au Palais des Beaux-Arts de la Ville de Paris. L'exposition est dédiée à de nombreux artistes de renommée internationale, dont Kandinsky.



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